Carrefour Masaya : histoire, diagnostic et propositions du Gracq OLLN

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Carrefour Masaya : histoire, diagnostic et propositions du Gracq OLLN

Suite aux nombreuses interpellations des cyclistes et en réponse à une demande d’avis de la part de l’échevin de la mobilité d’OLLN au sujet du carrefour entre l’avenue Albert Ier et l’avenue de Masaya, la locale du GRACQ d’Ottignies-Louvain-la-Neuve d’OTTLLN a rassemblé dix cyclistes particulièrement concernés par cette problématique pour étudier le problème. Parmi ceux-ci plusieurs sont riverains de ce carrefour, d’autres entretiennent des contacts réguliers avec le SPW, d’autres encore ont une expérience professionnelle des aménagements urbains.

Cette concertation avait pour but de faire le point sur la situation, en brosser un historique et dégager une position commune portée par notre groupe local à ce sujet. Nous avons également identifié plusieurs pistes de réflexion.

 

Diagnostic de la situation

Des plaintes de cyclistes au sujet de la dangerosité du carrefour Masaya sont formulées régulièrement. Le problème semble principalement se poser pour les cyclistes empruntant la piste cyclable bidirectionnelle venant de Limal et se dirigeant vers Ottignies. Selon nos observations, un nombre significatif d’automobilistes en provenance de l’avenue de Masaya et se dirigeant vers Limal ne marquent pas le stop. Ils se contentent de regarder sur leur gauche et ne voient dès lors pas le cycliste qui arrive sur leur droite.

Le Gracq a procédé à un contrôle sommaire du comportement des automobilistes au carrefour Masaya (cf. annexe 3 en bas de cette page). Au cours des vingt minutes d’observations réalisées un matin de décembre entre 9h et 9h20, 28 voitures venant de l’avenue de Masaya et se dirigeant vers Limal n’ont pas marqué le stop, 12 d’entres elles ont franchi le carrefour à allure rapide. Bien que relatif en période et en durée, ce comptage confirme, tout de même, une dangerosité du carrefour pour les cyclistes venant de Limelette (donc à contre-sens).

Un élément d’explication peut être que le carrefour est très ouvert à gauche, l’automobiliste qui tourne à droite n’a besoin que d’un sens de visibilité (à gauche en devant même se retourner  dans la courbe) pour s'engager. L'angle de vision à droite est fermé, l’automobiliste ne voit donc pas les cyclistes arrivant à contre sens. Un risque de collision entre le cycliste remontant la piste cyclable et l’automobiliste est présent. Elément aggravant, l'automobiliste est en accélération.

La situation semble différente pour les gens qui tournent à gauche, vers la gare, ceux-ci respectent plus ou moins le stop (allure très réduite), car la nécessité d'une route libérée tant à gauche qu'à droite est nécessaire pour s'engager. Le risque de collision avec un cycliste arrivant à contre-sens est également moins probable car, l’automobiliste se situant au milieu du carrefour bénéficie d’un champ de vision ouvert permettant de voir les cyclistes venant à contre sens.

 

Historique

Antérieurement, la piste cyclable reliant Wavre à Ottignies ne traversait pas le carrefour, mais demandait au cycliste de longer l’avenue de Masaya pour la traverser un peu plus loin, dans une configuration où il devait céder la priorité et où sa visibilité sur le trafic était mauvaise, avant de revenir sur l’avenue Albert Ier.

Cette piste cyclable était vétuste et problématique sur toute sa longueur (trous, bordures, risques de glissades, carrefours dangereux, etc.). Celle-ci a été réaménagée par le SPW qui a dès lors prévu une rectification de la traversée cyclable. Ces aménagements ont été présentés à la commission communale vélo d’OLLN.

À l’époque, le Gracq Ottignies-LLN a proposé une modification de l’aménagement du carrefour, à savoir une traversée cyclable en ligne droite au carrefour sous forme de "trottoir traversant" (plus haut que la chaussée), avec un îlot central sécurisé pour la traversée des piétons et cyclistes, et un rétrécissement "effet de porte" pour obliger les voitures à ralentir.

L'aménagement qui a été réalisé de la piste cyclable fin juin 2015 a consisté en une simple réfection de la piste cyclable avec une rectification de la traversée cyclable du carrefour Masaya sans autres aménagements de ce carrefour. 

 Rapidement après la fin des travaux, le Gracq a été informé d’accidents à cet endroit. Ces accidents ont fait l’objet de plusieurs discussions avec l’échevin de la mobilité et avec les représentants du SPW.

 

Demandes du Gracq

En l’état actuel, le Gracq demande aux différentes autorités de réagir rapidement en utilisant tous les moyens à leur disposition afin de trouver une solution durable permettant d’assurer la sécurité des usagers traversant ce carrefour.

En effet, l’avenue Albert Ier est un axe important pour les cyclistes d’OLLN. Il est aussi un axe direct pour rejoindre la gare pour les cyclistes venant de Limelette voir de Wavre. L'axe est d'ailleurs inscrit au Schéma Directeur Cyclable pour la Wallonie. D’après le dernier comptage réalisé par Pro-vélo avec le soutien de la ville en septembre 2018, 70 cyclistes ont emprunté le début de l’avenue Albert Ier entre 7h et 9h. Parmi ceux-ci plusieurs sont mineurs (enfants ou ados) ou étaient accompagnés d’enfants en bas-âge (siège, remorque, vélo cargo, etc.). Il est hautement probable qu'un nombre semblable de cyclistes soient
passés par le Carrefour Masaya dans un sens ou l'autre ce 18 septembre dernier.

Dans l’attente d’une solution plus structurelle, une action urgente apparaît nécessaire dès aujourd’hui pour éviter de nouveaux accidents tels que décrits ci-dessus.

Le Gracq est défavorable à un retour à la situation telle qu’elle était antérieurement et qui obligeait le cycliste à céder le passage.

Cette situation comportait des risques de chutes pour le cycliste. En effet, lorsqu’il empruntait la piste cyclable venant d’Ottignies en descente, il devait alors emprunter un angle droit, parfois jonché de feuilles sur un sol mouillé, pour ensuite à nouveau tourner sèchement dans un autre angle droit pour traverser l’avenue. Sa visibilité des voitures venant d’Ottignies étant très mauvaise, il devait souvent mettre pied à terre.

De par ces circonvolutions cyclistes, il est probable que certains cyclistes moins agiles n’empruntaient pas cette piste cyclable, préférant alors d’autres moyens de transport. Nous avons par ailleurs reçu des témoignages de cyclistes chevronnés affirmant que pour éviter ce passage délicat voir dangereux, ils sortaient de la piste cyclable avant le carrefour pour revenir sur la chaussée, ce qui est une infraction.

D’une manière générale, des aménagements plus sécurisés et plus développés augmentent le taux de fréquentation de ceux-ci, et permet ainsi de d’augmenter la part modale du vélo, ce qui est en enjeu des politiques actuelles.

Au vu des thèmes de campagne des élections communales et de la philosophie de la majorité politique d’OLLN, il serait par ailleurs peu compréhensible que la commune « favorise » le maintien de comportements automobiles inappropriés en favorisant leur priorité plutôt que celle des cyclistes.

 

Pistes d’actions

Afin de réfléchir à des solutions plus structurelles, le Gracq d’OLLN a identifié plusieurs pistes d’action.

 

A. Limiter la vitesse du trafic automobile et le nombre de points de conflits

1. Rétrécir la largeur du carrefour et de l’avenue Masaya[2]

Des informations dont nous disposons, le carrefour Masaya était auparavant configuré pour assurer le transit du trafic venant de la N238 vers le centre d’Ottignies, y compris des camions. Il devait donc permettre le transit d’un trafic plus important qu’actuellement, étant donné qu’aujourd’hui, l’avenue des Droits de l’homme assure cette liaison.

Actuellement, la question se pose de savoir quels éléments justifient une largeur de 17 m de l’avenue de Masaya au carrefour, alors qu’un camion n’a besoin que de 3,5 m pour circuler et que les bandes de présélection n’ont plus d’utilité.

Nous constatons que l’autre côté du carrefour menant à Belnemat est beaucoup plus étroit (la voirie y est de 8 m au lieu de 17 m), or les camions y passent régulièrement. Le rétrécissement de l’avenue de Masaya de l’autre côté du carrefour ne devrait logiquement pas poser plus de problèmes de giration aux camions. 

Un rétrécissement de l’avenue à 7 m de large permettrait de :

  • ralentir les voitures, ce qui augmente alors leur  perception de l’environnement ;
  • de rendre le cycliste plus visible, car il roulerait à découvert pendant 5 m de plus ;
  • de diminuer de plus de la moitié la distance de traversée du piéton et du cycliste, pendant laquelle ils sont exposés au trafic.

 

Pour inviter les voitures à ralentir à l’approche du carrefour, la largeur de l’avenue de Masaya pourrait être ramenée à 7 m sur toute sa longueur.

Un tel aménagement ne demande pas de grosses infrastructures. Dans un premier temps, il pourrait s’agir d’un changement de peinture au sol accompagné de potelets de plastique.

Complémentairement, un îlot refuge entre les deux bandes de circulation pourrait être imaginé.

De même, l’avenue Albert Ier est particulièrement large à la hauteur du carrefour, ce qui induit des vitesses de circulation inadaptées. Il serait judicieux de réexaminer la nécessité de prévoir une bande de présélection de tourne à gauche dans la perspective d’une fermeture à terme du passage à niveau, et même si cette bande est nécessaire, sa longueur pourrait être questionnée.

 

     2. Diminuer la vitesse autorisée sur l’avenue Masaya de 70 km/h à 50 km/h

Quand l’automobiliste arrive du rond-point avec l’avenue des Droits de l’homme, il est sur une voie de liaison construite pour les voitures sans piétons et cyclistes. À l’entrée de l’avenue Masaya, un panneau lui indique une limitation de vitesse à 70km/h. Ce panneau donne la sensation à l’automobiliste qu’il reste sur une voirie réservée aux voitures, or il entre dans un quartier d’habitation.

Annoncer une limitation de vitesse à 70km/h revient à induire l’automobiliste en erreur, car l’avenue est courte et ne permet pas de rouler à 70km/h. À peine a-t-il atteint cette vitesse, il doit décélérer rapidement à la vue du stop, ce qui pourrait l’empêcher d’être attentif aux panneaux indiquant le passage piéton et la piste cyclable bidirectionnelle.

Ici aussi également, la mesure est peu onéreuse.

 

3. Appliquer une limitation de 30km/h sur l’avenue Albert Ier

Le trafic de l’avenue Albert Ier contient essentiellement des liaisons inter quartier étant donné qu’une voirie rapide parallèle menant à Wavre existe pour les voitures.

Si les voitures se dirigeant vers Limal roulent plus lentement, l’automobiliste venant de l’avenue Masaya pourra également s’insérer plus souplement dans le trafic, sans marquer une accélération brusque mettant en danger les usagers vulnérables. Il a aussi plus de temps pour regarder son environnement, et notamment à droite, vers là où il se dirige (et d’où vient le cycliste).

 

B. Assurer la lisibilité du carrefour pour tous les usagers

À cette fin, la coloration rouge de la traversée cyclable est un point positif. Ce passage pourrait être élargi pendant la traversée à 3 m ce qui est la largeur recommandée pour une piste cyclable bidirectionnelle. Le passage piéton pourrait aussi être déplacé pour « coller » de la piste cyclable.

Une ligne blanche discontinue séparant les deux sens de circulation des cyclistes ainsi qu’un logo vélo de chaque côté de la route avec un chevron indiquant la direction permettrait de renforcer la compréhension du caractère bidirectionnel de la piste cyclable.

Le rehaussement de ce tronçon sous la forme d’un trottoir traversant renforcerait également l’effet du stop.

A ce sujet, le Gracq demande que quelques soient les mesures prises, les autorités s’assurent que les cyclistes soient visibles et prévisibles par les automobilistes et inversement.

 

C. Rechercher des solutions pour "dé-bidirectionnaliser" la piste cyclable

Le problème qui se pose au carrefour Masaya se pose également aux autres carrefours entre l’avenue Albert Ier et la gare d’Ottignies.  En venant de la gare de Limal, le cycliste qui roule sur la piste cyclable bidirectionnelle existante est face à 8 conflits dont trois sont majeurs.

S’il roulait à droite, il serait plus prévisible pour les automobilistes. Par ailleurs, le nombre de conflits serait diminué à 5 dont un seul majeur.

Rappelons également que la piste cyclable actuelle est étroite : elle mesure moins de 2m de largeur, alors que la largeur recommandée pour une piste cyclable bidirectionnelle est de trois mètres[3].

Il s’agirait donc de rechercher d’autres solutions pour permettre la circulation des vélos de chaque côté de l’avenue Albert Ier.

 

D. Garder la priorité pour le cycliste

Les cyclistes sont l'avenir des déplacements courts: plus de vélos et moins de voitures signifie moins d'accidents et parmi ceux-ci des accidents moins graves. Pour encourager les citoyens à prendre leur vélo,  pour rejoindre leurs destinations quotidiennes, il s’agit de leur permettre de circuler en sécurité, mais également en optimisant leur temps de trajet. Le choix du vélo peut ainsi devenir compétitif. Forcer un cycliste à s’arrêter en montée revient à lui faire faire un détour de plus ou moins 800m.

Faire céder le passage au cycliste comme dans l’aménagement antérieur procède de l'a priori que, pour sa sécurité, il faut ralentir le cycliste, alors que c'est l'automobiliste qui occasionne le danger.

Dans l’aménagement actuel, la priorité revient au cycliste. Cependant sa configuration revient dans les faits à le dissuader de la prendre ; la situation actuelle est telle qu’elle demande au cycliste  de céder le passage pour sa sécurité.  Le Gracq appelle les politiques publiques à garder la priorité donnée au cycliste et à prévoir des mesures pour lui permettre  de prendre sa priorité en sécurité.

 

E. Informer et sensibiliser

Une information des automobilistes concernant les problématiques des carrefours tels que celui de Masaya est nécessaire afin que ceux-ci puissent adapter leur conduite.

La ville pourrait par exemple fournir une information aux citoyens à ce sujet en partenariat avec la police pour sensibiliser et sévir les récalcitrants. Des reportages réguliers dans le bulletin communal viendraient  compléter la démarche.

 

F. Évaluer les aménagements réalisés

Quels que soient les changements opérés à la situation, le Gracq demande qu’un suivi soit effectué par des observations sur le terrain, un relevé de statistiques, ainsi qu’une analyse détaillée des plaintes et des accidents afin qu’une évaluation puisse être effectuée après 3 mois. Le Gracq souhaite être à nouveau consulté lors de cette évaluation.

 

Conclusion

Au vu des retours réguliers des cyclistes et des observations du comportement des automobilistes menées sur le terrain, la dangerosité de ce carrefour nécessite une intervention rapide des autorités publiques. Celle-ci est d’autant plus importante que l’avenue Albert Ier est un axe structurant pour les cyclistes de notre commune.

Parmi les propositions présentées ci-dessus,  les prioritaires sont à notre sens de rétrécir la largeur  du carrefour et de l’avenue Masaya (point A.1.) et de diminuer la vitesse autorisée sur l’avenue Masaya de 70 km/h à 50 km/h (point A.2.). Ces deux mesures sont peu onéreuses tout en améliorant substantiellement la sécurité. Elles peuvent être mise en œuvre à court terme. Nous demandons aux autorités compétentes d’étudier la faisabilité de toutes les mesures présentées ci-dessous au plus vite.

Dans l’attente d’une solution plus structurelle, une action urgente apparaît nécessaire dès aujourd’hui pour éviter de nouveaux accidents tels que décrits ci-dessus.

 

Annexes :

1. Plan de la situation actuelle ;

2. Plan de la situation projetée (rétrécissement du carrefour) ;

 

3. Rapport d’observations sur place.

Date 7/12/2018           

Durée 9hrs00 – 9hrs20 : 1/3hrs

Climat : Temps gris - vent modéré  - crachin - visibilité mauvaise - 10 degrés.

Objet du comptage : contrôle du comportement  des conducteurs de véhicules : respect du stop

Direction : Masaya Limelette : véhicules : 36

Arrêt réglementaire au stop : non contraint : 2.
Arrêt contraint par un véhicule prioritaire : 5.
Non arrêt à allure : 28 dont

12 à allure rapide
16 à allure réduite

Non arrêt camion :  1 (semi-remorque)

Direction Masaya / Ottignies gare : véhicules : 6

Arrêt réglementaire au stop : 0
Arrêt contraint par véhicule prioritaire : 3
Non arrêt : 3

0 à allure rapide
3 à allure réduite

Direction Benelmat : 0.

Remarques :

Diminution de passage progressive au cours de la période.
Les 5 arrêts contraints se sont déroulés en début de période (9hrs00 / 9hrs05)
Masaya vers Limelette : franchissement du stop :  tous les regards tournés à gauche lors du franchissement.
Pour info : largeur de la piste cyclable en traversée de carrefour « Ottignies gare vers Limelette 1m64 » pour une bi-directionnelle (3m00 recommandé)

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[1] Pour faciliter la compréhension, l’annexe 1 présente un plan sommaire du carrefour tel qu’il se présente actuellement.

[2] L’annexe 2 présente un plan sommaire du carrefour Masaya avec un rétrécissement des bandes de circulation.

[3] La largeur recommandée pour une piste cyclable unidirectionnelle est de deux mètres.